Pour accompagner une personne qui manifeste des symptômes de souffrance au travail, la médecine et la psychologie du travail sont incontournables au début. D’autres disciplines peuvent dans un second temps apporter un appui méthodologique supplémentaire à la reconstruction de l’individu.
1 – En urgence, si besoin de confidentialité :
- Psychologue, psychiatre pour évoquer votre souffrance au travail (en dehors de l’entreprise).
- Médecin généraliste pour trouver une solution d’urgence.
- Thérapeute, psychologue du travail, psychologue comportementaliste pour surmonter.
- Coach ou consultant pour réfléchir à un mieux-être au travail.
2 – Dans un 2nd temps :
- Conseil en orientation pour envisager un changement de métier.
- Conseil en mobilité pour envisager un changement de secteur d’activité.
- Centre de bilan pour un point sur ses compétences et élaborer un projet professionnel.
- Conseil en recrutement pour trouver un nouveau poste en adéquation avec votre motivation.
3 – Dans un 3ème temps (ou en prévention pour réguler dès les 1ers signes)
- Manager de proximité pour évoquer son inquiétude ou son mal être au regard du poste.
- DRH ou RHH pour anticiper une inaptitude ou inadéquation au poste.
- IPRP, IRP pour alerter sur des problématiques organisationnelles.
- Médecin du travail pour avis et conseil sur votre santé mentale au travail.
Toutes les approches sont compatibles dans une logique de bon sens. Bien que la souffrance physique soit reconnue et largement acceptée, il n’en est pas de même de la souffrance morale, mentale ou cognitive qui peut être sous-évaluée car elle est difficilement objectivable. Le tabou régnant autour de la santé mentale n’incite pas toujours les personnes à en parler.
Néanmoins, d’ici 2020 l’OMS prévoit que les premières causes d’arrêts maladie seront dues à ce genre de maux entrainant une santé mentale défaillante. Il faudra bien en parler un jour… 2020, c’est après demain (Comparisk 2013).
Vous êtes nombreux à vouloir savoir comment les autres s’en sont sortis. C’est d’ailleurs une des premières questions que mes témoins ont voulu savoir sur les victimes que j’avais rencontrées quelques années après leur burn-out.
Cette prise de conscience est un bon départ, car elle signifie que vous avez lâché prise sur le sentiment de puissance pré-burn-out et que vous êtes conscient que la remontée sera difficile ou longue. Un peu de lumière apparait alors au bout de votre tunnel. Commence alors la reconstruction. C’est parti.
Ce lâcher-prise débute en balbutiant, en vous demandant si vous allez y arriver et surtout comment vous allez faire. Cette situation est toute nouvelle et c’est ce qui ressort de tous vos témoignages.
Au-delà du « vers quoi je vais » ?
C’est aussi le « comment j’y vais » ?
Et surtout « en ai-je les ressources » ?
Ce sont les 3 questions existentielles de cette période de votre vie. Le reste n’est que détail pour vous. C’est alors qu’un entourage bienveillant et compréhensif est indispensable.
2.1 – Refaire confiance au corps
L’instinct de survie est la plus grande force qui existe chez l’être vivant, qu’il soit végétal, animal ou humain. A ce titre, vous bénéficiez d’une ressource inédite qui va vous soutenir. Faites-lui confiance et laissez-la faire. A vous de créer des conditions favorables pour qu’elle s’exprime et vous aide à transformer son énergie en projet.
Vous débutez votre « lutte avec le réel » comme vous diront les psychologues en dynamique du travail (Dejours). Pour surmonter cette épreuve, il faut user d’une intelligence qui mobilise et implique le corps tout entier : c’est votre passage par la ‘‘corpropriation’’. C’est un début de réconciliation avec soi qui démontre que la vie l’a emporté sur la résistance du réel (Henry). Il ne s’agit plus là de corps-à-corps avec la machine, ni la technique sur le lieu du travail, mais il s’agit d’un autre genre de travail, un travail sur soi, à travers son corps, construit et véhiculé paradoxalement sur le vécu de l’absence du travail justement.
2.2 – Redécouvrir vos sens et votre essence
Une grande partie des témoignages en milieu de récit portent sur le corps, les 5 sens et la sensorialité du plaisir évoqué par une activité de loisir. Le plus cité pour les femmes est le sens du toucher (elles évoquent souvent les massages, les bienfaits du hammam, de la piscine, ou du jardinage les mains enfouies dans la terre…). Pour les hommes, les sens les plus évoqués ont été l’ouïe (avec la musique), l’odorat et le goût…. Le thème du corps dans vos témoignages est celui qui a rassemblé le plus d’anecdotes intimes et de finesse d’expression.
2.3 – Le corps comme reconstituant
Le corps s’exprime en 3 catégories :
- corps gisant (celui qui réalise les activités de repos biologique, comme dormir),
- corps pensant (celui qui s’inscrit comme impresario de lui-même),
- corps agissant (celui que l’on suppose capable de faire et refaire ses réserves).
2.4 – De la poïétique du corps à la résilience professionnelle
La poïétique a pour objet d’étude les potentialités inscrites dans une situation donnée débouchant sur une création nouvelle. C’est le processus de la « destruction créatrice » emmenant vers l’innovation de Schumpeter, c’est le « Kairos » (l’imprévu) des grecs qui bouscule le « Chronos » (le temps linéaire), c’est l’inspiration de l’artiste, c’est la « qualité émergente » en biologie, c’est le « précipité » en chimie.
Les victimes qui se sont remises d’un burn-out ont toutes évoqué ce moment très bref, inattendu, suspendu hors du temps, comme l’expérience d’un espoir et d’un renouveau possible. L’acuité et l’attention portée à ce moment précis est un moment d’observation d’un fait nouveau, subtile mais suffisamment explicite et envahissant pour ne pas passer inaperçu. Il n’est pas dérangeant et vous apporte au contraire matière pour vous mettre en action et réfléchir aux conditions qui vous sont favorables.
La poïétique est en ce sens la conscience de quelque chose d’innovant et qui va apparaître en vous. Cela va vous faire agir et vous interroger sur vos capacités inventives ou créatives, vos capacités à faire, vos aptitudes à finaliser et achever vos projets.
Ce sont des concepts clés car ils portent en eux la dynamique de votre reconstruction. Ils sont sources de résilience.
2.5 – La sociologie du corps
Dans la tradition intellectuelle chez Platon, Descartes ou encore Mauss, le corps est appréhendé comme une instrumentalisation : il est utile pour faire quelque chose. C’est juste un instrument, une extension mécanique de notre volonté de faire.
Merleau-Ponty est un des premiers à évoquer le terme de « corporéité » et insiste sur l’« être-corps » et la pensée corporelle. Le corps serait ainsi une réserve de savoir quant à la « matière de soi » que le « corps et surtout le corps en mouvement, soit à la fois le sujet, l’objet et l’outil de son propre savoir » (Louppe, 2007. p.13).
Dans les témoignages des victimes ressort très nettement cette intelligence du corps qui agit par un événement qu’il rejette. Le corps cherche une solution pour son propriétaire fatigué. Du coup, des expressions subjectives, émotionnelles, voire irrationnelles ponctuaient les propos :
Mon corps ne voulait plus, …je ne sais pas, j’ai du mal à l’expliquer.
Julie
Je ne m’appartenais plus, je ne sais pas si c’est clair…
Tina
C’est très intime comme ressenti, est-ce que je peux aussi parler de ça, …ça peut vous être utile pour votre recherche là ?!?
Michel
Votre corps face au burn-out ne se laisse plus atteindre dans cette phase de reconstruction. Cette « citadelle inexpugnable » (Bernard, 1995) ne se laisse pas si facilement prendre, ni approcher, et elle soutient visiblement les efforts des tous premiers instants de la reconstruction dans chacune des histoires de vie des victimes de burn-out. |
A ce stade de la reconstruction, vous n’en êtes qu’aux fondations. Prenez votre temps. Vous avez encore l’opportunité de réfléchir, de voir si vous avez envie de vous projeter (ou pas) de nouveau dans votre poste. Il est important de ne pas brûler les étapes au risque d’une rechute. Vous pouvez changer une partie des choses.
Transformez la contrainte de l’arrêt en opportunité pour réfléchir à ce que vous voulez vraiment.
C’est maintenant que vous pouvez entamer une réflexion avec un professionnel (RH, consultant, coach…) pour vous aider à ne pas retomber dans les mêmes pièges ou de nouveau à subir les mêmes pressions. Cela ne tient qu’à vous d’y réfléchir … pour le reste le principe de réalité vous rattrapera bien assez tôt, mais au moins durant cette période d’arrêt vous avez cette responsabilité vis-à-vis de vous-même.
3.1 – Qu’attendez-vous du travail ?
C’est le moment de vous posez les questions essentielles. Celles qui vont désormais orienter votre rapport au travail et qui vous serviront de coach personnel. Y répondre seul n’est pas facile, l’aide d’un professionnel vous permettra d’approfondir ces questions et de trouver le véritable sens au travail que vous protégez au fond de vous.
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3.2 – Affirmation et audace de soi
L’ « en-je » en vaut la peine ! Votre reconstruction sera en béton armé. Cela ne tient qu’à vous. C’est une logique d’effort et de confort. Véritable exercice où vous allez remonter le temps, vous allez faire une nouvelle conquête : la vôtre ! Une nouvelle quête d’identité est en marche et un nouveau rapport au travail ou à l’emploi en général.
Plus ou moins bousculé par leur burn-out, il faut amener les victimes à réfléchir aux sources du problème.
Pourquoi elles ?
Pourquoi à cette période de leur vie ?
Seules ou accompagnées par des thérapeutes, elles cherchent à comprendre les mécanismes de leur chute, pour que cela ne se reproduise plus.
3.3 – « Oser dire non » plutôt que « je n’ai pas le choix »
Combien de fois ai-je observé ce mécanisme derrière lequel les cadres futurs victimes de burn-out se réfugient pour revenir me voir quelques mois après dans un état encore plus alarmant. Comment leur faire comprendre qu’elles sont des victimes complices d’une organisation pathogène envers ses salariés ? Les métiers des cadres aujourd’hui, bien qu’ils soient sous pression, sont tout de même les plus protégés sur le marché de l’emploi avec moitié moins de chômage que chez les salariés non qualifiés, les jeunes diplômés et les seniors.
Dire non aux injonctions irréalistes, dire non aux sollicitations illégitimes (celles qui s’inscrivent désormais en dehors de vos nouvelles frontières), dire non à cette envie vertigineuse de se sentir indispensable aux autres mais essentiel à soi même est une urgence pour ces victimes du burn-out.
- Une période intense de combat pour combler les défaillances du système (la lutte).
- Une période d’arrêt plus ou moins bien vécu mais salutaire à plus d’un titre.
- Une période de redécouverte de soi.
- Une période d’attente et de temps suspendu.
- Un endroit pour se poser et se reposer.
- Une redécouverte et une affirmation des frontières et des limites à s’imposer.
- Une phase de désir et d’affirmation.
- Une prise en compte de son écologie personnelle.
- Un retour au travail en toute vigilance.